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Dans un Cameroun où l’immobilisme semble figer l’ambition collective et où la croissance donne parfois l’impression de tourner à vide, une lueur d’espoir surgit des terres que l’on pensait à l’abandon. Nos villages. Oui, ces territoires longtemps marginalisés, souvent relégués aux marges des politiques publiques, recèlent pourtant une énergie brute, un capital humain intéressant et une capacité de transformation qu’il nous faut désormais prendre au sérieux. Pour peu que l’on ose une démarche disruptive, audacieuse, qui mise sur les bons leviers. Et parmi ces leviers, il y en a un qui a fait ses preuves ailleurs, c’est le digital.
Au tournant des années 2000, des pays comme le Rwanda ont su se doter d’une vision intégrant le numérique comme pilier de leur développement. Ce pari n’a pas été gagné sans obstacles, mais aujourd’hui, Kigali est cité parmi les hubs numériques les plus dynamiques du continent. Plus récemment, le Togo, à travers ses projets d’inclusion numérique rurale, ou encore le Kenya avec son écosystème agri-tech, nous montrent que le digital peut avoir une puissance transformationnelle immense, même et surtout en dehors des capitales. Alors pourquoi le Cameroun resterait-il en marge de ces transitions ?
À Ngambé, nous avons décidé de ne pas attendre que le changement vienne d’ailleurs. Nous voulons faire ce pari, ici et maintenant, car, comme le dit la sagesse populaire, la bonne charité commence par soi-même. Nous croyons que le numérique en milieu rural peut faire des miracles. Dans l’agriculture, il peut rapprocher les producteurs des grands marchés, réduire les pertes post-récoltes, et améliorer les marges des petits exploitants. Dans un contexte où les routes sont impraticables et la logistique quasi inexistante, quelles autres solutions s’offrent à nous ? Former des agriculteurs villageois à l’usage d’applications comme Jangolo, c’est leur permettre de contourner l’enclavement et de mieux valoriser leur production.
Mais notre vision va bien au-delà. À partir du Centre Jeunes JVEPI-FOMACK Ngambé, fruit de la synergie initiée en juillet 2024 entre la Fondation Mackenzie (FOMACK) et l’association Jeunesse Volontaire et Engagée pour la Promotion de l’Intellect (JVEPI) et qui a impactée plus de 1 500 jeunes à date, nous souhaitons bâtir un hub numérique communautaire, véritable levier de développement inclusif. Ce hub aura pour mission première l’alphabétisation numérique de milliers de jeunes et de femmes, afin de les rapprocher concrètement des opportunités économiques offertes par le digital.
Nous avons d’ailleurs déjà entamé une première expérience il y a quelques semaines. Avec le soutien technique de l’Institut Africain d’Informatique/Centre d’Excellence Technologique Paul Biya, nous avons initié une centaine de femmes au numérique à Ngambé. Nous l’avons fait sans gros moyens, uniquement portés par la volonté et le soutien financier de Me Jacques Jonathan Nyemb, élite de Ngambé, par ailleurs Fondateur de la Fondation Mackenzie et Promoteur du Centre Jeunes JVEPI-FOMACK Ngambé.
Cette première expérience a renforcé notre conviction. C’est pourquoi nous portons aujourd’hui l’ambition affirmée de former 1 000 jeunes et femmes au digital d’ici à 2026. Oui, c’est possible ! Nous sommes partis de presque rien. Mais le 18 juin dernier, suite à un appel à manifestation destiné aux organisations souhaitant accélérer l’inclusion numérique des communautés la Fondation MTN Cameroun nous a offert un don composé d’un parc d’ordinateurs, de moyens de connexion à Internet, ainsi que de solutions d’électrification. Ce don vient considérablement enrichir notre centre qui avait déjà une douzaine d’ordinateurs, et qui avait déjà reçu, il y a près d’un an, ses deux premiers ordinateurs offerts par le Think do Tank The Okwelians, en marge de la Foire de l’Employabilité Rurale tenue les 12, 13 et 14 décembre 2024.
Avec cette ambition affichée de faire de Ngambé un hub numérique communautaire, nous voulons donner de la perspective à ces bacheliers qui, faute de contacts ou de moyens, ne peuvent poursuivre leurs études à Douala ou Yaoundé, ou même intégrer une école d’élite après le baccalauréat. Grâce au numérique, ils pourront entamer des parcours universitaires tout en restant à Ngambé. Oui, c’est possible. Avec de la connectivité, de l’accompagnement et les bons outils, nos villages peuvent redevenir des lieux d’apprentissage, de production et d’innovation. Nos territoires ruraux ont besoin de l’intelligence de leur jeunesse pour se transformer. Et nous croyons qu’à partir d’ici, nous pouvons même développer des applications et solutions numériques locales, pensées par et pour nos communautés, qui résolvent des problèmes concrets tels que l’accès aux soins, à la formation, à l’emploi, à l’information. Car la dématérialisation des services et des opportunités permet aussi de créer de la richesse sans attendre que les infrastructures physiques suivent. C’est aussi cela, l’avenir du développement territorial.

À terme, notre ambition est de former, d’outiller et de libérer le potentiel des populations rurales pour qu’elles deviennent actrices de leur propre destin. Quand nous aurons stabilisé l’exode rural, quand nos jeunes n’auront plus besoin de fuir pour rêver, quand des solutions locales changeront la vie quotidienne des ménages, alors nous aurons prouvé que le digital est une arme de transformation massive. Et à ce moment-là, nous pourrons véritablement dire que Ngambé est devenu le laboratoire national de l’employabilité rurale. Ce modèle que nous construisons pas à pas, à Ngambé, nous voulons qu’il soit réplicable, duplicable dans les autres territoires du Cameroun et d’ailleurs. Nous sommes convaincus que ce qui marche ici peut inspirer partout. Ce n’est pas un hasard si Ngambé a donné au monde des talents. Cette commune a déjà prouvé qu’elle pouvait faire éclore l’excellence. Il ne lui manque qu’un écosystème structuré, un cadre propice, et une communauté mobilisée. Cette vision ne deviendra réalité que si chacun y met du sien, élus locaux, jeunesses... Nous avons la terre, la jeunesse et les idées. Il ne nous manque plus qu’une mobilisation collective et structurée pour véritablement faire de Ngambé ce laboratoire national de l’employabilité rurale.
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